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« Dodin Bouffant », l’appétit vient en s’aimant

Cinéma Benoît Magimel et Juliette Binoche sont les têtes d’affiche de la belle romance gastronomique de Tran Anh Hung, où bouillonnent une immense tendresse et une drôle de sensualité culinaire.

La Passion de Dodin Bouffant, de Tran Anh Hung, France, 2 h 14

Dans la course à l’Oscar du meilleur film étranger, la France a décidé d’afficher son amour immodéré des gueuletons et des arts de la table. La Palme d’or Justine Triet s’en retrouve lésée. C’est une erreur. Mais que cela ne nous fâche pas avec le sublime film de Tran Anh Hung, qui débarque en salles ce 8 novembre.

Récompensée d’un prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes, la Passion de Dodin Bouffant (on préférerait presque le titre américain, The Pot-au-Feu) narre la drôle de rencontre entre un illustre gastronome, le fameux Dodin, et sa cuisinière Eugénie, dans la France de la fin du second Empire. Entre les deux amants dont le mariage est sans cesse repoussé à plus tard, l’amour se concocte dans des marmites de ragoût, s’effleure en caramélisant la courbe d’une poire, s’élabore en dressant des pièces montées.

Tran Anh Hung fait pot-au-feu de tout bois et cinéma de tous mets, dans ce grand geste de sublimation, à la fois tendre et naïf. Nul besoin de 4DX ou autres technologies de parcs d’attractions, le film parvient, par le simple mouvement de la caméra, à transmettre ses goûts, ses odeurs, ses textures.

Il n’y a d’autres sujets que la cuisine elle-même

Le cinéaste franco-vietnamien, auteur en 1993 de l’Odeur de la papaye verte, croit fermement en la possibilité du beau, en décalage avec une époque volontiers désabusée, voire cynique. Ses répliques désarçonnent : « Viens, on va faire un pot-au-feu tous les deux », « Je peux te regarder manger ? » Ridicules couchées sur le papier, elles vous renversent à l’écran.

Le film de Tran Anh Hung ne cherche pas à traiter de la question sociale, ni à interroger le monde bourgeois qu’il met en scène – on pourrait le lui reprocher. En fait, il est profondément anachronique. On y enquille des festins à 20 plats sans se soucier de la « fin de l’abondance ». Il n’y a d’autres sujets que la cuisine elle-même. Si l’on disserte, c’est d’Antonin Carême, l’illustre inventeur de l’omelette norvégienne. Dodin Bouffant a ce quelque chose de désuet qui le rend nécessaire.

Face à Juliette Binoche, alias Eugénie, fausse femme dans l’ombre, modèle d’application et de savoir-faire, Benoît Magimel régale à nouveau. Le double césarisé en titre (meilleur acteur en 2022 et 2023 pour De son vivant et Pacifiction) pourrait bien réaliser un triplé. Le comédien s’impose un peu plus comme l’héritier de ce que Gérard Depardieu a pu incarner au cinéma – un corps à l’écran. Le Dodin de Magimel traîne sa carcasse de dandy épicurien, fait de la cuisine, parle de cuisine, respire la cuisine et transmet son obsession de la cuisine. Pendant plus de deux heures. On signe sans problème.

Avertissement, cependant. La procession de victuailles qui rythme le film chatouille les appétits. La presse en riait à Cannes mais le conseil reste valable. Dodin Bouffant n’est pas un film à voir le ventre vide. À moins, bien sûr, de vouloir se soumettre à une forme raffinée de torture.

Source l'Humanité

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