Après Jackie et Spencer, Pablo Larraín boucle sa trilogie sur les icônes du XXe siècle avec un drame opératique inspiré des derniers jours de la Callas.
Sur le papier, l’idée était pour le moins risquée. En choisissant Angelina Jolie, star hollywoodienne absolue, pour incarner la diva grecque, Pablo Larraín s’exposait aux foudres des gardiens du temple de l’opéra. Pourtant, passé les premières minutes durant lesquelles l’image de l’actrice phagocyte son personnage, le pari est gagné. Ce qui intéresse le cinéaste chilien et son scénariste Stephen Knight n’est pas tant la justesse de la reconstitution qu’une méditation mélancolique sur la célébrité, la solitude, la déchirure amoureuse.
Comme l’avait fait le chorégraphe et danseur allemand Raimund Hoghe dans son spectacle 36, avenue Georges Mandel (2007), le duo retrace les derniers jours de Maria Callas, morte à 53 ans d’un arrêt du cœur dans son appartement parisien le 16 septembre 1977.
La recréation d’archives imprimées dans la mémoire collective
Seule avec ses souvenirs, ses disques, son majordome et sa cuisinière (Pierfrancesco Favino et Alba Rohrwacher, épatants), Maria, d’une maigreur extrême, déambule tel un fantôme dans une brume médicamenteuse, sans pouvoir distinguer réalité et hallucinations. Alors qu’elle a brûlé tous ses costumes et ne peut plus espérer monter sur scène, la cantatrice imagine qu’elle se confie à une équipe de télévision et se rend chaque jour auprès d’un répétiteur qui tente de l’aider à recouvrer sa voix.
Dans la continuité de Jackie (2016), sur Jackie Kennedy, dont l’ombre pèse sur la relation entre Maria et Onassis, et Spencer (2021), sur Lady Di, Pablo Larraín poursuit son exploration des grandes figures féminines du XXe siècle. Des femmes belles, riches, célèbres, dont le point commun est d’avoir été broyées malgré l’adoration qu’elles suscitaient ou à cause d’elle.
Délaissant la continuité du biopic, Pablo Larraín fragmente le récit par des flash-back ou la recréation d’archives imprimées dans la mémoire collective qui traduisent la confusion mentale de Maria. La mise en scène alterne les plans serrés sur le visage d’Angelina Jolie et des plans larges qui la suivent, dans un Paris désert, à la terrasse d’un café ou dans le jardin des Tuileries, comme si la foule des admirateurs s’était soudain évaporée.
Saluons le beau travail du chef opérateur Ed Lachman qui, en mêlant le 35 mm, le 16 mm et le super-8, la couleur et le noir et blanc, donne au film une patte vintage. Un objet étrange et fascinant qui, si on fait abstraction des scènes de chant ratées, en dit autant sur la Callas que sur la star qui l’interprète.
Maria, de Pablo Larraín, Allemagne-Italie-États-Unis, 2 h 3, sortie en salles le 5 février