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Dany Boon. « La honte de classe, je l'ai connue dans les deux sens »

Michaël Mélinard, Journaliste à l'humanité dimanche

L'auteur de « Raid dingue », lauréat du césar du public (prix sans suspense saluant le plus fort succès populaire), renoue avec ses origines dans « la Ch'tite Famille ». Une comédie habilement calibrée pour toute la salle, où Dany Boon retrouve une force et une poésie comiques quelque peu diluées après « Bienvenue chez les Ch'tis ». Acteur et réalisateur à succès, l'homme est locace, généreux et disponible. Une belle rencontre.

HD. Ce film est un retour aux Ch'tis, mais l'action se déroule principalement à Paris...

Dany Boon. Je puise mes histoires dans le contraste entre ma vie de gosse, dans une famille très modeste, et ma réussite. J'ai toujours assumé ma famille, mon enfance et ma mixité. Mon père était kabyle. « Bienvenue chez les Ch'tis » était une manière de dire merci à la région pour l'accueil et la fraternité dont mon père a bénéficié en y arrivant de Kabylie. « La Ch'tite Famille » parle plus du contraste entre les deux mondes.
L'auteur de « Raid dingue », lauréat du césar du public (prix sans suspense saluant le plus fort succès populaire), renoue avec ses origines dans « la Ch'tite Famille ». Une comédie habilement calibrée pour toute la salle, où Dany Boon retrouve une force et une poésie comiques quelque peu diluées après « Bienvenue chez les Ch'tis ». Acteur et réalisateur à succès, l'homme est locace, généreux et disponible. Une belle rencontre.
HD. Ce film est un retour aux Ch'tis, mais l'action se déroule principalement à Paris...
 
Dany Boon. Je puise mes histoiresdans le contraste entre ma vie de gosse, dans une famille très modeste, et ma réussite. J'ai toujours assumé ma famille, mon enfance et ma mixité. Mon père était kabyle. « Bienvenue chez les Ch'tis » était une manière de dire merci à la région pour l'accueil et la fraternité dont mon père a bénéficié en y arrivant de Kabylie. « La Ch'tite Famille » parle plus du contraste entre les deux mondes.
 
HD. Il questionne la honte de classe...
D. B. Quand j'étais gosse, j'ai eu honte parce qu'on se moquait de moi. Mes grands-parents ont retiré ma mère de l'école à 14 ans pour qu'elle travaille dans leur stationservice. Ce n'est pas un hasard si, dans le film, Pierre Richard a un garage. Mes parents ont eu trois enfants. Ils ont acheté une petite maison de coron qu'ils ont mis leur vie à payer. Ils galéraient. Ma mère s'est formée à la dactylo par correspondance, mais elle n'a pas trouvé de boulot. Du coup, elle est devenue femme de ménage.
 
À l'école, ça allait encore de dire que mon père était chauffeur routier, mais on se moquait de moi avec une mère femme de ménage. Les enfants sont très cruels. Une fois, sur la fiche, j'ai écrit « maîtresse de maison » pour qu'on ne se moque pas de moi. Le prof m'a dit : « Hamidou (vrai nom de Dany Boon ­ NDLR), c'est quoi, cette profession de maîtresse de maison ? » J'ai bafouillé un truc et il m'a dit : « Femme de ménage, quoi ! » « Oui, c'est ça, Monsieur. » J'ai eu honte. J'avais aussi un très fort accent ch'ti. À l'époque, c'était les prolos qui parlaient comme « cho » Après, j'ai fait du dessin, et je suis sorti avec la fille de mon prof qui était aussi artiste. Je me suis retrouvé dans des dîners très intellos, où ils parlaient d'art et disaient : « Les enfants de prolos réussissent moins bien que les autres parce qu'ils sont moins éveillés à la culture. » J'ai grandi à une époque où on se disait quevalérie c'était possible.

On avait un accès gratuit à la culture. J'étais inscrit à une bibliothèque, j'allais faire de la natation et du foot aux Sports ouvriers armentiérois. La musique était aussi gratuite. La mairie prenait en charge ces frais pour les enfants d'ouvriers. Quand j'ai commencé à avoir du succès et à gagner de l'argent, la honte était dans l'autre sens. J'avais du mal à accepter de gagner plus que mes parents

HD. Et maintenant, ça va mieux ?
D. B. Depuis que je n'ai plus de soucis matériels, je peux me consacrer totalement à mon art. J'ai toujours été ravi de payer des impôts. Et où que je sois, j'ai toujours payé 50 % d'impôts. « Les Ch'tis » ont rapporté beaucoup d'argent. Mon expert-comptable m'a dit : « Il faut monter une société au Luxembourg ou ailleurs pour éviter de payer des impôts. » J'ai changé d'expert-comptable. J'ai eu pour la première fois de ma vie une feuille d'impôts de deux chiffres en millions. J'ai toujours pensé qu'il fallait partager.
 
HD. Pourquoi travaillez-vous avec des acteurs avec lesquels vous avez déjà collaboré ?
D. B. C'est ma famille de cinéma. Ce sont des acteurs pour qui j'ai beaucoup d'admiration. Avec Valérie Bonneton, nous avions tourné ensemble dans « le Volcan » et fait des sketchs en ch'ti pour la télé. Elle invente tout le temps. Sa drôlerie lui échappe. Line Renaud est un soleil. Il n'y a qu'elle pour jouer ma mère.
 
« La notoriété, je la vis bien. Mon but reste d'émouvoir. Aujourd'hui, je réussis même à faire rire les Parisiens. »
 
HD. Pourquoi ?
D. B. Elle ressemble beaucoup à lamienne. C'est une femme du Nord, avec le même genre de caractère et de franchise. Elles sont d'ailleurs amies. Si j'oublie de rappeler ma mère, elle téléphone à Line, qui me dit de l'appeler. Line est une mère artistique. Elle a une carrière incroyable, mais elle est très abordable. Elle aime les gens, le partage, l'échange. Elle a encore le trac. J'aime beaucoup le travail d'acteur de Guy Lecluyse dans les films d'Olivier Marchal. Il a une palette très large et il fait une belle carrière, en venant de la télé. J'aime ces personnalités, ces gens qui ont envie de partager quelque chose.
 
HD. Pierre Richard joue votre père...
D. B. Je suis fan de Pierre Richard depuis l'enfance et, aujourd'hui, je montre ses films à mes enfants. Il était prévu au début et à la fin de l'histoire, mais quand il a accepté le rôle, j'ai rajouté des petites scénettes très « Pierre Richardesques ». À la fin du tournage, il m'a fait un très beau compliment : « Je n'ai pas fait ça depuis tant d'années. Tu m'as redonné mes 30 ans. »
 
HD. Vous vous moquez de l'art contemporain de manière caricaturale...
D. B. Dans la comédie, on poussela caricature pour faire rire. La frontière est entre le partage de son savoir et l'étalement de sa science. On devient snob à ce moment-là. On a toujours l'air plus intelligent de ne pas aimer une oeuvre que d'en dire du bien, idem pour un artiste ou un spectacle.
 
Le rire par la « rachine »
 
HD. Que vous inspirent les critiques ?
D. B. J'ai moins besoin d'être aiméde tout le monde. J'ai démarré ce métier avec deux fondamentaux. Il fallait que je fasse rire ma mère, qui n'allait pas bien. Je voulais aussi essayer de comprendre pourquoi mes grands-parents ne voulaient pas me voir, pourquoi une partie de ma famille nous rejetait de manière assez dure et violente. Quand on fait rire quelqu'un qui ne nous aime pas, on le rend inoffensif et on le fait nous aimer. J'étais très heureux de ma première nomination aux molières. Moi qui, gosse, ai eu des problèmes de rejet, je suis accueilli dans la famille du Théâtre. À l'époque, les nominés jouaient un sketch sur scène. Les gens du Théâtre avec un grand T m'ont snobé. Je revivais ce rejet.

Avec les critiques, c'était un peu pareil. À mes débuts au Lucernaire ou au Café de la Gare, j'en ai eu de très bonnes de Jean-Luc Jeener du « Figaroscope » ou d'Anne-Marie Paquotte de « Télérama ». Elle avait écrit que j'étais le fils de Zouk et de Raymond Devos. Quand j'ai commencé à avoir beaucoup de succès, les mêmes m'ont dégommé avec le même spectacle. Je voyais souvent Anne-Marie Paquotte, à qui je disais : « Je ne comprends pas, tu me dégommes avec le spectacle de l'Olympia qui est le même que celui du Lucernaire, que tu avais encensé. » « Tu as vendu ton âme au diable ! » me disait-elle.

 
HD. Comment vivez-vous votre célébrité ?
D. B. Très bien. Je réussis même à faire rire les Parisiens. J'ai toujours conscience que j'ai ce succès grâce au public et aux gens. Je me dois donc d'être disponible. Après, j'essaie de protéger mes enfants. Ce n'est pas un hasard si on est à Los Angeles. Les choses ont beaucoup changé après « Bienvenue chez les Ch'tis ». D'un seul coup, au lieu de mettre cinq minutes pour aller à la boulangerie ou à la pharmacie ­ puisque je suis hypocondriaque­, je mettais une demi-heure ou trois quarts d'heure. Les gens m'arrêtaient, me parlaient, prenaient un selfie, demandaient un autographe. Quand je suis avec mes enfants, c'est compliqué. Les gens demandent à faire une photo avec moi. J'accepte. Là, mes enfants veulent être dessus. Je refuse.
 
Mes enfants me disent : « Je ne suis pas assez bien pour être sur la photo ? » « Si, mais c'est pour te protéger. » « Me protéger de quoi ? Je veux être sur la photo avec mon papa. » Avec des copains, mon fils aîné, qui avait alors 11 ans, a fait des doigts au personnel de son collège. Il a été convoqué en conseil de discipline, ce qui est normal. Je rencontre la prof principale pour parler de ce problème. Elle a un grand sourire. « Vous êtes évidemment fâchée. Ce qu'a fait mon fils est honteux. » « Ben non, ce n'est pas grave. Tel père, tel fils, il a fait ça pour blaguer... Oh la la, je suis tellement contente de vous rencontrer. » « Mais vous êtes quand même très fâchée contre mon enfant qui s'est très mal comporté avec le personnel ? » « Mais non. » C'était terrible.
 
Je quitte l'école avec mon fils hilare. La sonnerie retentit et tous les gamins se jettent sur moi. Dans ces moments, c'est compliqué, même si après, on en rigole. La notoriété est un truc éphémère et abstrait. C'est parce que je n'ai pas cherché à l'être que je suis devenu connu. Le but est de partager, de faire rire, d'émouvoir et de vivre bien l'instant présent, sans avoir de plan de carrière particulier.
 
 
La Ch'tite Famille. Le rire par la « rachine »
Ce sixième long métrage plein de fraîcheur renvoie Dany Boon à ses premières amours, autour d'un hommage au Nord et à Johnny... avec de gentils coups de griffe contre l'intelligentsia parisienne.
Si l'opposition entre le Nord et Paris prend ici le dessus sur celle qui confrontait des Provençaux aux Ch'tis de Bergues, on reste tenté de dire : « On prend les mêmes et on recommence. » En effet, certaines recettes de cette « Ch'tite Famille » ont mijoté dans la marmite de « Bienvenue chez les Ch'tis ».
 
Dans un cadre loufoque, volontiers caricatural, le sixième long métrage de Dany Boon questionne l'identité et la honte de classe. Il incarne Valentin D, un designer qui tient le haut du pavé parisien. Indissociable de Constance Brandt, son épouse, il s'est façonné de toutes pièces un passé où il raconte comment un orphelin a gravi les marches de la gloire. Pourtant, sa famille ch'ti est bien vivante et refait surface, de manière incongrue, au vernissage d'une rétrospective consacrée au couple star du design. Même si l'action se situe en grande partie dans la capitale, Dany Boon revient à son Nord chéri.
 
Le récit en forme d'introspection pour l'humoriste aujourd'hui installé à Los Angeles résonne comme une nouvelle déclaration d'amour à la culture, la langue, l'accent et la fraternité de sa région d'origine. Certes, la mise en scène manque d'audace. Néanmoins, le cahier des charges est amplement respecté. Rythmée, maligne, souvent très drôle, cette « Ch'tite Famille » compose une comédie populaire adroitement calibrée pour le plaisir collectif de la salle. M. M.

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