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CAPITAINE THOMAS SANKARA

Sankara : ce nom reste gravé dans les mémoires en Afrique. Un documentaire, « Capitaine Thomas Sankara », a été consacré au souvenir du jeune révolutionnaire burkinabè, assassiné en 1987. Le réalisateur suisse Christophe Cupelin a retrouvé des archives précieuses qui éclairent d’un jour nouveau son style étonnant, sa relation avec la France et avec Blaise Compaoré.

« A bas l’impérialisme ! A bas le néo-colonialisme ! » C’est presque un jeune homme qui s’exprime à la tribune, dans les premières minutes du documentaire de Christophe Cupelin. Thomas Sankara a pris le pouvoir à 34 ans, en 1983, dans un pays qui s’appelait encore la Haute-Volta. Un pays qu’il va rebaptiser le Burkina Faso, et ce n’est là qu’un des multiples changements que ce militaire guitariste va mettre en œuvre avant son assassinat, en 1987. Un assassinat qui va contribuer à faire de lui une icône de la jeunesse africaine.

Christophe Cupelin a vécu les années Sankara. Le réalisateur suisse n’a que 19 ans quand il débarque à Ouagadougou, en 1985. « J’avais l’impression qu’un peuple se mobilisait pour prendre en main son propre avenir, se souvient Christophe Cupelin. L’histoire s’écrivait en direct à ce moment-là. »

sankara1.jpgUn militaire jamais à court d’idées

Pour faire revivre cette histoire, le documentaire s’appuie uniquement sur des images d’archives. Capitaine Thomas Sankara brosse le portrait d’un dirigeant jamais à court d'idées ni de formules choc. Socialiste, féministe, écologiste, il plante des arbres pour lutter contre la désertification, fait vacciner les enfants à tour de bras, instaure des tribunaux populaires pour les fonctionnaires corrompus et veut libérer la femme de la « domination féodale » de l'homme. Parmi les morceaux d’anthologie du film, cette séquence où le groupe les Colombes de la Révolution interprète le tube de Cookie Dingler, « Femme libérée », à la télévision burkinabè…

Car Thomas Sankara est un soldat mélomane. Il ne possède d’ailleurs quasiment rien à part son pistolet, qu’il arbore toujours à la ceinture, et deux guitares. Le documentaire témoigne aussi de ce « style Sankara » : payé l'équivalent de 230 € par mois, il impose la petite Renault 5 comme véhicule de fonction des ministres. La Mitsubishi de sa femme, raconte la légende, était tellement en mauvais état qu'il fallait la pousser chaque matin pour la faire démarrer.

« Avec lui, pas facile de dormir en paix »

Mais Sankara dérange, et pas seulement par son style. Le film déroule une longue séquence – qu’on imagine éprouvante pour le président français de l’époque – où le dirigeant burkinabè « fait la leçon » à François Mitterrand. Face à la presse, il lui reproche d’avoir accueilli en France Pieter W. Botha, le numéro deux du régime de l’apartheid en Afrique du Sud, et Jonas Savimbi, le rebelle angolais, soutien du régime ségrégationniste.

« Des bandits et des tueurs ont taché la France si belle et si propre de leurs pieds et de leurs mains couverts de sang », accuse Sankara aux côtés d’un Mitterrand de marbre. « C’est un homme un peu dérangeant, le président Sankara. Avec lui, il n’est pas facile de dormir en paix », reconnaît peu après le président socialiste, agacé et embarrassé.

Le Capitaine Thomas Sankara, mauvaise conscience de la Françafrique, « sortait du cadre, il était anticonformiste, il ne se conformait pas aux usages », souligne Christophe Cupelin.

« La dette ne peut pas être remboursée… »

Sankara agaçait aussi prodigieusement ses pairs. Le documentaire ne fait pas l'impasse sur le plus célèbre discours du dirigeant burkinabè. A la tribune de l'OUA, l'Organisation de l'unité africaine, en juillet 1987, il appelle les autres Etats du continent à ne pas payer la dette extérieure. « La dette ne peut pas être remboursée parce que, si nous ne payons pas, nos bailleurs de fonds ne mourront pas. Par contre, si nous payons, c’est nous qui allons mourir. Que celui qui veut payer prenne son avion et aille tout de suite à la Banque mondiale ! », lance-t-il devant les autres dirigeants du continent. Deux mois et demi après, Sankara est assassiné. « Ce discours remet en question l’ordre mondial, mais Sankara n’a pas été assassiné à cause de ce discours en particulier, affirme Christophe Cupelin, le réalisateur. En fait, Sankara a peut-être été assassiné à cause de tous ses discours ! »

« Si Blaise prépare un coup d’Etat contre moi… »

Le 15 octobre 1987, Thomas Sankara tombe sous les balles lors d’un putsch qui porte au pouvoir son frère d’armes, son confident, Blaise Compaoré. Quelques jours auparavant, le chef de l’Etat burkinabè, fataliste, avait confié à un journaliste : « Le jour où vous entendrez que Blaise prépare un coup d'Etat contre moi, ça voudra dire que ce sera trop tard et que ce sera imparable. Il connaît tellement de choses sur moi… Personne ne peut me protéger contre lui ». Cet enregistrement historique, retrouvé par Christophe Cupelin, confirme, selon le réalisateur, que « Sankara avait réponse à tout, même sur sa propre mort. Il plaçait l’amitié au-dessus de tout. Et je crois que, depuis que Sankara est décédé, Blaise [Compaoré] a cette mort sur la conscience ».

Interrogé quelques jours après le coup d’Etat par une équipe de télévision française qui lui demande s’il a des regrets sur ce qui s’est passé, Blaise Compaoré marque un long temps d’arrêt avant de lâcher : « C’est dommage ».

Capitaine Thomas Sankara s’achève par des images de la tombe du révolutionnaire burkinabè, sur laquelle des jeunes viennent se recueillir. Des jeunes semblables à ceux qui, il y a un an, se référant à Sankara, ont chassé Blaise Compaoré du pouvoir, ouvrant la voie à une enquête sur la mort du « capitaine ». « J’espère que l’on connaîtra un jour la vérité », conclut Christophe Cupelin.

Par Sébastien Jédor pour RFI

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