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Réhabilitons la Milady des Trois Mousquetaires

Une adaptation du roman d’Alexandre Dumas sur le grand écran par Martin Bourboulon, qui prend ses aises avec le personnage. Plaidoyer pour une héroïne fabriquée comme une créature diabolique.

Publié le
Samedi 8 avril 2023

Dans « les Trois Mousquetaires : D’Artagnan », Milady de Winter (Eva Green) ne fait que passer avant de trépasser en se jetant du haut des falaises de Douvres. Nous voilà privés de la sulfureuse espionne à la beauté du diable, l’une des deux âmes damnées du cardinal de Richelieu, avec le non moins sulfureux Rochefort.

Le deuxième film à suivre, inspiré de Dumas, va la faire revenir puisqu’il s’appellera « les Trois Mousquetaires : Milady ». Rescapée de sa chute, avec le secours providentiel d’un parapente d’époque ? On ne sait.

Marquer d’une fleur de lys sur l’épaule

Mais qui était vraiment Milady de Winter et n’est-il pas temps de la réhabiliter, pour partie ? Voilà comment, alors que les quatre mousquetaires vont décider de la mort de la jeune femme, sans autre forme de procès, le bourreau de Lille, juge et exécuteur, raconte un épisode de la jeunesse de celle-ci : « Cette jeune femme était autrefois une jeune fille aussi belle qu’elle est aujourd’hui. Elle était religieuse. Un jeune prêtre au cœur simple et croyant desservait l’église de ce couvent. Elle entreprit de le séduire et y réussit. »

Ben voyons, pauvre prêtre ! Les deux amants volent des vases sacrés et sont arrêtés. Elle séduit son geôlier et s’enfuit, bien sûr ! Le jeune prêtre est flétri par la main du bourreau, mais c’est son propre frère. Il la retrouve et la flétrit à son tour d’une fleur de lys sur l’épaule. Plus tard, elle séduit un gentilhomme, décidément ! Il l’épouse. Mais à l’occasion d’une chute de cheval, il découvre la fleur de Lys. Il la pend sur-le-champ, comme il en a le droit sur ses terres. Ce gentilhomme, c’est le noble Athos. Où est le problème ?

Une « panthère blessée»

Elle en a réchappé. D’Artagnan, séduit à son tour, se fait passer de nuit pour son amant, le comte de Wardes, pour tenter d’obtenir ses faveurs. Quand il lui révèle la supercherie et découvre en même temps la fleur de lys, elle rugit comme une « panthère blessée », il est épouvanté par « ses pupilles dilatées horriblement, ces joues pâles et ses lèvres sanglantes ». Quel excès, quand il a juste voulu abuser d’elle ! Et ainsi de suite. Sinon, Milady de Winter est devenue une espionne, certes, mais au service de la France, contre les menées séditieuses des Anglais. Au fond, elle mérite plus le Panthéon que l’enfer. Enfin, presque.

Après « Eiffel », Martin Bourboulon s’attaque aux « Trois Mousquetaires ». C’est peu dire que le cinéaste n’a pas peur des monuments. Mais plutôt que d’aborder frontalement l’œuvre, il la contourne, prend des distances avec l’intrigue, la trahit même pour se la réapproprier et la moderniser. Bien sûr, les principaux fils du récit demeurent. Le Gascon d’Artagnan monte toujours à Paris pour devenir mousquetaire. Athos, Porthos et Aramis, tout comme Milady, Louis XIII, Anne d’Autriche, Buckingham et Richelieu sont également de la partie. Outre le remodelage de l’histoire de Dumas, Bourboulon instille de la comédie romantique, un surplus d’aventures et du thriller. C’est beaucoup pour un seul film. Sans doute un peu trop. Et pourtant, ces trois mousquetaires, portés par un casting visant à attirer tous les publics, des amateurs du cinéma d’auteur à celui de divertissement, s’en sortent plutôt bien. Bourboulon est un bon directeur d’acteurs, un faiseur habile et possède le sens du spectacle. Les scènes de combats sont rondement menées, le hors-champ est souvent utilisé à bon escient. Et s’ils n’échappent pas ponctuellement à la mièvrerie, « les Trois Mousquetaires » possèdent un souffle qui, à défaut de masquer toutes les imperfections, emporte le spectateur.

M.M.

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